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aux mains gui l’ont laissé échapper. Il y a de par le monde un certain abbé Couturier qui a voué la plus belle haine à madame de La Tournelle, seulement sur ce qu’il a entendu dire de son caractère noble et indépendant ; s’il la voyait arriver au crédit, cet homme-là serait capable de tout pour se débarrasser d’elle.

LE MARQUIS DE JUMILHAC.

Elle n’y arrivera pas, elle ne ménage point assez ses ennemis.

LE DUC DE GÈVRES.

Ménager des ennemis, et qui obtient jamais rien de cette engeance par la douceur ? Le mieux est de ne s’en pas faire, j’en conviens ; mais, morbleu ! une fois qu’on les a, il faut les braver, sinon ils vous accablent. Voyez Maurepas, comme il est humble devant madame de la Tournelle.

LE VICOMTE DE ROHAN.

À propos, est-il vrai que sa femme ait ici un chargé de pouvoir qui lui rend compte de tout ce qui s’y passe ?

LE DUC GÈVRES.

Si c’est celui que je soupçonne, son rapport d’hier soir aura été fort agréable au ministre, car il m’a quitté convaincu, malgré les arrangements pris, que la duchesse de Chevreuse aurait tous les profits du voyage.

LE COMTE DE COIGNY, vivement.

Que dites-vous ?

LE DUC GÈVRES.

Ah ! pardon, mon cher, j’oubliais… mais enfin quand cela serait, il faut se faire une raison, et la garde qui veille au château de Choisy n’en défend pas les gouverneurs.

LE COMTE DE COIGNY.

Mauvaise parodie !

En ce moment la duchesse de Chevreuse entr’ouvrit la porte du salon où ces messieurs causaient ; elle était dans le négligé le plus élégant, et tenait à la main un bouquet de jacinthes mêlées de jonquilles qui répandaient un parfum très-fort.

LA DUCHESSE DE CHEVREUSE.

Je viens vous demander ce qu’on fait ce matin ?

LE COMTE DE COIGNY, avec dépit.

Mais c’est à vous, madame la duchesse, que nous devrions adresser cette question : on prétend que vous avez dû savoir avant tout le monde les destins de la journée.