— Non, répondit-elle avec embarras, vous en aurez besoin, peut-être…
— Vrai ! reprit vivement Louis XV dont les yeux étincelaient d’espoir ; ah ! pour que je le croie, il faut que vous même marquiez l’heure…
Alors madame de la Tournelle baissa les yeux, ouvrit le verre de la montre, et ses doigts tremblants firent tourner plusieurs fois les aiguilles sur le cadran ; elle s’apprêtait à rendre la montre au roi, lorsque madame de Chevreuse dit avec instance :
— Par grâce, ma chère, laissez-moi la voir avant de la remettre à Sa Majesté.
Et, en parlant ainsi, elle s’empare de la montre, se récrie sur la beauté des diamants qui l’entourent, sur la manière dont la chaîne est montée.
— Jamais on ne verra une plus belle montre, ajoute-t-elle, mais elle fait bien d’être admirable, car elle va tout de travers.
— Quelle heure marque-t-elle donc ? demanda le roi d’une voix émue.
— Deux heures, et il en est à peine dix, je crois.
— Deux heures ! est-il possible ! S’écria le roi d’un accent qui retentit au cœur de madame de la Tournelle.
— Votre Majesté peut s’en convaincre, dit madame de Chevreuse en remettant la montre au roi. Et il resta longtemps les yeux fixés sur le cadran, comme pour s’assurer qu’il n’était pas le jouet d’une illusion.
— Mais je fais peut-être mal, ajouta la duchesse avec malice, de rendre ce gage avant qu’on ne vous ait remis le vôtre.
— En effet, ma bague !… dit madame de la Tournelle.
— C’est juste ; la voici, madame, reprit le roi. Puis, en baissant la voix :
— Je vous la prête.
En cet instant, l’escamoteur annonça qu’il allait finir par le tour du carquois.
— Vous allez voir messeigneurs et dames, comment ce qu’on fait pour l’Amour est récompensé ; allez, mon petit, allez demander la charité d’un bout de ruban à ces dames. L’enfant détacha son carquois, prit des ciseaux et vint quêter, en prévenant qu’il n’accepterait qu’un échantillon des rubans de différentes couleurs que portaient ces dames. Madame de la Tournelle jeta dans le carquois un nœud