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sœur la suivit, et toutes deux se livrèrent à de tristes réflexions à l’aspect de cette chambre maintenant déserte, et de ces riches tentures qui brillaient encore du plus vif éclat, lorsque celle qui les avait brodées se flétrissait dans les larmes.

— Savez-vous bien que la vue de cette chambre abandonnée comme celle qui l’habitait est la meilleure leçon qu’une femme puisse recevoir ? dit madame de Flavacourt. Je vous assure qu’en observant ce qui reste d’une semblable intimité, on n’en est pas fort envieuse… Que peut-on devenir après avoir tout donné, son amour, son honneur, à celui qui n’aime plus ?

— Il faut mourir, répondit madame de la Tournelle d’une voix étouffée.



XXXVI

ILS SONT BROUILLÉS


Dès qu’on aperçut madame de la Tournelle et sa sœur se promenant sur la terrasse du bord de l’eau, chacun sempressa de venir les saluer. La curiosité avait au moins autant de part que la politesse dans cette démarche, et madame de la Tournelle fut cruellement humiliée en remarquant les regards inquisiteurs qui se portaient sur elle ; sa pâleur, son abattement s’accordaient avec les conjectures ; mais cette sorte de dignité calme qu’on ne saurait conserver après avoir failli, la simplicité de ses manières, de sa conversation, rien ne décelait en elle un secret embarrassant. Il fallut donc attendre le retour du roi pour savoir à quoi s’en tenir.

— Est-il vrai que notre aimable gouverneur nous ménage une foule de plaisirs pour ce soir ? demanda la duchesse de Chevreuse au comte de Goigny[1].

— En vérité, mesdames, si vous ne vous amusez pas, ce

  1. Le comte de Coigny était alors gouverneur du château de Choisy. (Alm. royal, 1743.)