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royal ami, qu’il n’obtiendrait rien sur ce caractère engourdi par une éducation déplorable. Le ranimer, le forcer à mettre en œuvre les qualités qu’il possède, une femme seule peut opérer ce miracle. Vous souriez ?… Je vous comprends, madame la duchesse ; vous croyez le miracle impossible, parce que deux femmes l’ont vainement entrepris ; mais d’abord elles sont deux, premier tort ; ensuite elles n’ont jamais eu l’honneur d’inspirer au roi le moindre sentiment d’amour ; à peine lui ont-elles laissé le temps de les désirer. Vous verrez, si jamais il rencontre celle qu’une noble ambition rendra jalouse de sa gloire, de combien de belles actions il deviendra capable. Mais je vous le répète, cette lumière divine, il ne peut la recevoir que de l’amour, et rien n’est si rare aujourd’hui qu’un véritable amour.

— Voilà un propos désespérant dans votre bouche, dit madame de Mazarin ; il me semble entendre ira pape professer l’athéisme.

On rit de cette flatteuse épigramme, et la conversation se porta sur les nouvelles folies du duc de Richelieu. Madame de la Tournelle, toute préoccupée de ce qu’elle venait d’entendre, ne prit aucune part aux plaisanteries dont on accabla le héros éternel des aventures galantes de la cour et de la ville…

— L’amour !… pensait-elle, l’amour pourrait le rendre à tous les sentiments, à tous les devoirs d’un grand roi !… et ma sœur n’a point tenté une si belle conversion !… Se luire l’instrument d’un ministre ambitieux, quand elle pouvait devenir rame d’un héros !… ô honte ! ô regrets !…

La nuit était déjà bien avancée, que ces réflexions occupaient encore madame de la Tournelle.



III

UN TOMBEAU


C’était bientôt le temps de reprendre son service auprès de La reine, et madame de Mazarin laissa à ses deux nièces le choix de demeurer dans son hôtel à Paris ou de la suivre