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belle poule[1], ainsi qu’on l’appelait, était sans contredit de toutes les habitantes du château de Choisy, la seule qui eût osé tenter cette demande, toute autre l’aurait supposée trop indiscrète ; mais madame de Flavacourt, si naturellement sage dans sa conduite, ne soupçonnait jamais celle de personne. La résistance que madame de la Tournelle avait jusqu’alors opposée aux désirs du roi lui semblait devoir être éternelle, et, comme on respectait sa tendre estime pour sa sœur, elle ignorait les médisances et les plaisanteries malignes auxquelles donnait lieu le voyage de Choisy.

En apprenant que sa sœur ne s’était point mise au lit de toute la nuit, elle vanta cet excès de prudence, tout en le trouvant inutile.

— Car, lorsqu’une résolution est connue pour être sincère, ajouta-t-elle, on peut tenter de la combattre, mais un homme d’honneur n’essaye jamais d’en triompher par force ; et d’ailleurs le roi connaît trop bien les devoirs de l’hospitalité. Où pensez-vous qu’il soit en ce moment, ma chère ? (Madame de la Tournelle garda le silence.) Il est en pleine forêt de Senart ; il a commandé ce matin la chasse de si bonne heure, que ces messieurs baillaient et avaient les yeux à peine ouverts quand ils sont montés à cheval. Heureusement le brouillard s’est dissipé, l’air n’est pas trop froid, et cette fureur de chasse ne sera funeste qu’aux chevreuils de la forêt. Pour mon compte, j’en suis charmée, nous aurons plus de temps pour songer à notre toilette, car le roi ne doit revenir que pour l’heure du dîner. Si nous allions faire une promenade dans le parc après déjeuner !

— J’en serais ravie, car j’ai besoin de prendre l’air.

— Eh bien, mademoiselle Hébert, apprêtez les pelisses, les manchons et des souliers fourrés. Nous irons sur la terrasse du midi.

Mademoiselle Hébert sortit.

— Maintenant que nous voilà seules, il faut vous l’avouer, chère Marianne, je brûle de voir cette fameuse chambre que notre pauvre sœur s’est plu à orner de son propre ouvrage, elle est à côté de la vôtre, entrons-y.

En disant ces mots, madame de Flavacourt se leva, sa

  1. Petit nom que le roi donnait à madame de Flavacourt, à cause de sa sollicitude maternelle.