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la reine et ses enfants pour les rassurer sur sa santé. Le duc de Richelieu fut un des premiers à profiter de la permission de voir Sa Majesté. Il avait très-bien deviné la cause de la maladie, mais il ignorait encore celle d’une si prompte guérison, lorsqu’un mot du roi à M. de Meuse sur le prochain voyage de Choisy l’éclaira subitement.

— Songez, dit-il à propos de la liste des invitations, que le voyage doit-être très-bien composé.

— Elle en est donc, pensa le duc ; et il soupira de pitié à l’idée du coup qui allait frapper le malheureux d’Agénois.

Le duc d’Estissac fut chargé par le roi d’aller proposer à mademoiselle de la Roche-sur-Yon, princesse du sang, le voyage de Choisy ; M. de Villeroy remplit la même mission près de la duchesse d’Atin. Toutes deux acceptèrent.

Encouragé par ce premier succès, il fit aussi parler à la duchesse de Luynes, dame d’honneur et amie intime de la reine ; mais elle éluda la proposition. Le roi, piqué de ce procédé, s’adressa au duc de Luynes, qui sollicitait depuis longtemps le cordon bleu. Louis XV lui dit, moitié sérieusement, moitié en plaisantant, qu’il invitait la duchesse de Luynes au voyage de Choisy. Le duc s’inclina profondément pour toute réponse, puis il alla trouver M. de Meuse, et le pria de faire agréer au roi sa peine et son refus.

Cet acte d’une vertu antique était la plus sévère critique des amours du roi, et devait cruellement offenser madame de la Tournelle. Louis XV en conçut un vif ressentiment : la promotion du duc de Luynes à l’ordre du Saint-Esprit fut retardée de plus d’une année[1].

Madame la duchesse de Ruffec consentit à remplacer la duchesse de Luynes ; et le lundi suivant le roi monta dans sa gondole[2] avec mademoiselle de la Roche-sur-Yon, la duchesse de Chevreuse, qui ne partageait point la sévérité de sa belle-mère, la marquise de Flavacourt, le prince de Soubise, le duc de Villeroy et… la marquise de la Tournelle.

Ils avaient été précédés des ducs de Bouillon, de Villars, d’Estissac, du prince de Tingri, du maréchal de Duras, de

  1. Vie privée de Louis XV.
  2. Espèce de grande calèche fermée seulement par des glaces et fort à la mode à la cour pour les voyages aux différents châteaux.