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fermée chez elle pour se livrer à ses tristes réflexions et aux combats les plus pénibles.

Dans son chagrin, elle sent qu’elle n’a plus rien à dire au roi ; qu’il faut lui céder ou le fuir pour toujours.

En ce moment on vient lui annoncer que M. Lebel demande à lui parler.

— Faites-le vite entrer, répond madame de la Tournelle ; et, dans son empressement, elle accable Lebel de questions.

— Les médecins ne savent encore quel nom donner à sa fièvre, répond-il, mais il est dans une agitation telle qu’il passe toutes les nuits sans dormir.

— Vous le veillez, n’est-ce pas ? ah ! ne lui laissez pas faire d’imprudence ?

— Cela n’est pas facile, madame, car, malgré toutes mes représentations, je n’ai pu l’empêcher d’écrire.

En parlant ainsi, Lebel tire de sa poche un billet dont s’empare vivement madame de la Tournelle.

Lebel se retira vers la porte du salon pour la laisser lire plus librement ce peu de mots :

« Il est des rivalités impossibles, madame, et des tourments dont l’excès même doit amener la fin ; il faut que vous décidiez de mon sort, que je vous consacre ma vie, ou que je cesse de vous voir. N’écoutez que les intérêts de votre cœur, quel que soit son arrêt, je le respecterai.

» Viendrez-vous à Choisy ? irai-je y cacher mon bonheur ou mon désespoir… Prononcez ; j’attends en tremblant votre réponse ?

» louis. »

Après avoir lu ce billet, madame de la Tournelle se leva précipitamment, comme pour échapper à de cruelles réflexions ; et, prenant une plume, elle écrivit :

« Je serai du voyage de Choisy. »

Le lendemain toute la cour se réjouissait du mieux qu’éprouvait le roi ; les médecins lui trouvaient bien encore un peu de fièvre, mais il s’obstinait à leur prouver que c’était l’effet d’un simple rhume, et qu’une matinée passée à la chasse dissiperait complètement son mal de tête. Il donna l’ordre de laisser entrer dans sa chambre plusieurs des personnes qu’il recevait habituellement, et voulut voir