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gitation muette où tant de combats la livraient, elle inspirait la pitié de tous, car ceux dont l’âme corrompue ne pouvait la deviner pensaient qu’une disgrâce complète était seule capable de causer une si profonde tristesse : on donnait pour cause à cette disgrâce le retour du duc d’Agénois ; et son prochain mariage avec madame de la Tournelle paraissait le dénouaient inévitable de cette haute comédie.

Il est des situations où l’on ne peut demander de conseils à personne ; le duc de Richelieu, si extravagant dans ses amours, était le guide le plus raisonnable pour ses amis dans les positions difficiles. Mais l’intérêt qu’il portait à son neveu et son dévoûment pour le roi l’empêchaient de prendre parti contre l’un ni l’autre ; un sentiment d’honneur seulement le forçait à paraître protéger les vues du duc d’Agénois ; car elles avaient l’avantage d’être légitimes, et de plus le roi était aimé, l’abandon du plus faible aurait été une lâcheté, aussi, lorsque le duc d’Agénois, se croyant assez rétabli pour entreprendre le voyage de Versailles, supplia son oncle de l’accompagner chez madame de la Tournelle, le duc de Richelieu se crut forcé d’y consentir.

Ce même jour mademoiselle de Montcravel était venue toute joyeuse remercier sa sœur du brillant parti que le roi lui choisissait. La famille du duc de Lauraguais, certaine de s’assurer du crédit à la cour, en épousant une demoiselle d’une grande maison et dotée par le roi, avait montré beaucoup d’empressement à conclure ce mariage ; et mademoiselle de Montcravel ne tarissait point en éloges, en actions de grâce pour la générosité du roi ; elle s’attendait à voir madame de la Tournelle partager sa joie et sa reconnaissance ; elle s’étonna des larmes qui inondèrent tout à coup le visage de sa sœur.

— Ô mon Dieu ! s’écria-t-elle, ce mariage vous déplairait-il ?

— Non, certes, chère Adélaïde, votre bonheur est ma seule consolation.

— Vous êtes donc malheureuse !… vous dont tant de femmes envient la beauté, la vertu !…

— Pense à moi quand tu seras heureuse, dit madame de la Tournelle en se jetant dans les bras de sa jeune sœur.

En ce moment on annonça le duc de Richelieu et le duc d’Agénois.