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leurs, il est des mauvais sujets dans toutes les familles. »

Ainsi madame de la Tournelle entendait parler journellement de la complaisance de madame de Mailly pour les caprices en tous genres de son amant couronné, et de son imprudence à admettre madame de Vintimille au partage des lionnes grâces du roi. Combien de semblables liaisons lui paraissaient différentes de cette union des âmes dont elle avait si souvent rêvé les charmes ! Qu’elle trouvait honteux et lâche le sentiment qui tendait à flatter les vices de celui qu’on aime, quand on aurait pu se servir d’un tendre ascendant pour rehausser ses vertus et sa gloire !

— Ah ! si le démon de l’orgueil m’avait plongée dans cet abîme de mépris, pensait-elle, j’en voudrais sortir à force de bonnes actions. Je voudrais employer mon crédit au bonheur de l’État ; faire de mon amour le stimulant de toutes les vertus d’un grand roi. Alors le titre de favorite ne serait plus un opprobre ; alors les bénédictions de tout un peuple suivraient mon bonheur, ma retraite ou ma mort. Mais pour acquérir cet empire bienfaisant, il faut trouver un cœur accessible aux sentiments généreux, à l’amour de la gloire ; et celui qu’a déjà flétri d’ignobles plaisirs, la flatterie corruptrice, la complaisance intéressée ; celui qu’un gouverneur jaloux du pouvoir a élevé dans le culte de la paresse, afin de paralyser dès l’enfance toutes ses facultés intellectuelles, ce roi, fait homme du monde, n’est plus capable d’une noble émulation ni d’un amour véritable.

Malgré sa malveillance contre la cour intime du roi, madame de Mazarin ne pouvait se passer du plaisir d’en médire avec ceux qui la composaient ; et son château, à proximité de Paris et de Versailles, était sans cesse visité par cette foule de courtisans que le rang et la fortune trouvent toujours fidèles. Le duc de Richelieu, le plus aimable de tous, y venait souvent défendre son maître contre les attaques malignes de la duchesse de Mazarin, et des amis ou plutôt des échos qui les répétaient.

— Vous êtes par trop injuste, madame, disait-il, d’exiger qu’un jeune prince, élevé à côté de ce bon vivant de régent, ne sacrifie point au plaisir ; mais il n’est pas un petit bourgeois de Paris qui n’en fît davantage sous le patronage d’un oncle qui passerait sa vie au cabaret ; et vous trouveriez cela tout simple.