puis ils passèrent dans un salon ; là le roi dit au duc de l’attendre.
XXXII
LE SOUPER INTIME
Il commençait à s’impatienter vivement, lorsque le roi vint et se mit à éclater de rire en disant :
La bonne figure ! je donne au diable à le reconnaître.
Le duc de Richelieu se voyant ainsi, laid, mouillé, transi, ridicule, était au moment de se fâcher de la plaisanterie, quand le roi ajouta sans pouvoir calmer son envie de rire :
— Pardon, mon cher duc, du rôle comique que je vous fais jouer ; mais comme le mien n’est pas moins ridicule, vous m’excuserez de vous soumettre ainsi que moi au caprice d’une femme adorable et qui est votre amie.
En finissant ces mots, le roi prit le duc par le bras et le fit entrer dans le boudoir de madame de la Tournelle.
Malgré l’embarras que lui causait la présence de son ancien ami ainsi amené par le roi, et dont l’esprit devait naturellement supposer cette visite moins honnête qu’elle ne l’était, madame de la Tournelle rit autant que le roi du singulier accoutrement de ce duc si élégant, dont la tournure brillante et les vêtements magnifiques servaient de modèles à tous les séducteurs de la ville et de la cour.
En apercevant madame de la Tournelle, le duc fit une exclamation qui prouva sa surprise et sa joie ; il se débarrassa aussitôt de son déguisement, et vint baiser la main que lui tendait sa belle nièce.
— Il ne fallait pas moins que cette aimable surprise, dit-il, pour me faire oublier l’heure que je viens de passer. Si vous saviez toutes les idées folles qui me sont venues à l’esprit ? j’étais bien loin vraiment de cette charmante réalité.
— Pas si charmante que tu le crois, mon cher Richelieu,