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laissa entendre surtout que le moindre procédé offensant pour madame de la Tournelle l’obligerait à prendre ouvertement sa défense, et qu’il ne répondait pas alors de ce qu’une juste indignation pouvait lui faire faire. Le mot de renvoi de M. de Maurepas fut même prononcé. C’est alors que le cardinal exalta de nouveau son grand système, et recommença ce qu’il avait dit tant de fois à son royal élève sur la permanence des ministres ; prétendant que le successeur étant l’ennemi né de celui qu’il remplace, on le voyait presque toujours traverser les opérations du disgracié, aux dépens du bien public, ou s’abstenir par le même motif de favoriser les plus sages mesures[1].

Ce principe adopté de nos jours par un plus grand homme d’État fut, à ce qu’assurent nos historiens, une des sources des prospérités de la France pendant le commencement du ministère du cardinal de Fleury.

À la suite de cette audience, le cardinal, fier du dernier essai qu’il venait de faire de son ascendant sur l’esprit du roi, et ne doutant pas qu’avec le crédit il ne recouvrât la santé, se fit transporter à son château d’Issy pour que le grand air rétablit plus tôt ses forces.

Ce fut sa dernière visite à Versailles. Le roi en avait le pressentiment, et, dans sa ferme résolution d’épargner toute espèce de contrariété à son vieil ami mourant, Louis XV écrivit à madame de la Tournelle pour obtenir un entretien dans lequel ils conviendraient de la conduite à tenir jusqu’au moment où un malheur trop facile à prévoir rendrait la liberté au pupille-roi.

C’est dans cet entretien seulement que madame de la Tournelle vit tout ce que la France pourrait obtenir de la raison, de l’esprit et du courage de son souverain. Louis XV, délivré du joug imposé à sa longue enfance, osait enfin développer ses idées de gouvernement, d’améliorations, étonné, ravi d’être écouté avec un intérêt éclairé, et encouragé dans ses nobles desseins par une femme dont l’amour comprenait et exigeait la gloire, il semblait étouffer l’ardeur de ses vœux pour ne s’occuper que de ce qui devait le rendre plus digne d’elle.

  1. Fastes de Louis XV. Histoire du ministère du cardinal de Fleury.