Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

soustraire sans braver les convenances, c’est-à-dire ce qu’on respecte le plus dans le grand monde.



II

LE SALON D’UN CHÂTEAU


La duchesse de Mazarin, en apprenant que la mort du marquis de la Tournelle laissait sa veuve sans fortune, écrivait à celle-ci une lettre moitié tendre et moitié prude, dans laquelle tous les dangers qui pouvaient assaillir une jeune et belle femme sans soutien étaient prévus de la manière la moins flatteuse pour la vertu de sa nièce ; les mots de secours et de protection gâtaient à chaque phrase l’offre d’un bienfait inappréciable. Mais, sans avoir l’expérience personnelle des malheurs où la faiblesse et la vanité peuvent entraîner, madame de la Tournelle voyait dans la conduite de ses deux sœurs aînées un exemple effrayant ; et elle accueillit avec reconnaissance tout ce qui devait la mettre en garde contre la corruption du siècle.

Quinze jours après l’arrivée de cette lettre, elle se rendit au château de Chilli avec madame de Flavacourt, et toutes deux furent très-bien accueillies par leur respectable tante. Comme toutes les femmes attachées au service de la reine et vouées par cela même à la dévotion la plus austère, madame de Mazarin déclamait sans cesse contre les intrigues du jour ; et, en qualité d’héritière d’un ministre despote, elle ne souffrait aucune contradiction sur ce point. C’était une satire continuelle de la conduite scandaleuse de madame de Mailly et de madame de Vintimille, satire approuvée et commentée par M. de Flavacourt qui avait signifié à sa femme de rompre tout rapport avec ses deux aînées, et qui la tenait éloignée de la cour, dans la crainte qu’on ne la soupçonnât de vouloir tirer parti du déshonneur de sa famille.

Au milieu de cette société rigide, madame de la Tournelle