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— Non, vraiment ; madame de Lesdiguières serait sans doute consultée par la reine sur cette alliance, et comme elle la trouve très-convenable, la reine l’approuverait.

— Que faire, alors ?…

— Il faut prier le roi de me marier, n’importe avec qui, pourvu que ce ne soit pas avec M. de Chabot.

— Mais comment voulez vous, chère amie, que je m’adresse au roi pour contrarier la volonté de madame de Mailly ?… ce serait une démarche inconvenante… et inutile…

— Oh ! pour inutile, je ne la crois pas, car tout le monde dit que le roi traite vos amis à merveille, et que vous pouvez lui demander tout ce que vous voulez, sans crainte d’un refus.

À ces mots une rougeur subite couvrit le visage de madame de la Tournelle.

— On vous a trompée, mon amie, répondit-elle avec embarras, on ne peut savoir comment le roi accueillerait une requête de ma part, je ne lui ai jamais rien demandé.

— Eh bien, faites cet effort en ma faveur. Obtenez de lui que madame de Mailly ne s’occupe plus de mon sort.

— C’est impossible, c’est un devoir qui lui a été imposé, il faut qu’elle le remplisse.

— En me sacrifiant.

— Non pas ; mais elle ne croit pas vous sacrifier en vous mariant à un homme qui, par sa naissance, peut s’allier à notre maison, et dont la fortune est fort supérieure à la vôtre.

— Ah ! si vous répétez tout ce qu’elles disent, je n’ai plus d’espoir ; eh bien, l’on verra ce que je puis faire plutôt que d’épouser cet homme-là ï

— Point de partis extrêmes, chère Adélaïde ; songez donc que personne n’a le droit de vous forcer à ce mariage, et que, si vous gagnez du temps…

— Du temps… mais voilà déjà deux mois qu’on me persécute pour fixer le jour du contrat ; je suis à bout de tous mes prétextes de refus ; et si vous ne prenez pitié de moi, il faut que je retourne au couvent dès demain. Ma sœur, ma bonne Marianne, ajouta mademoiselle de Montcravel en embrassant madame de la Tournelle, ne m’abandonnez pas.

— Pourquoi ne m’avoir pas confié plus tôt ce projet de mariage ?…