distingué, auquel il ne manque qu’un plus beau nom et un autre père ; mais il n’y faut plus penser, gardez-lui votre estime, votre amitié même, il les mérite : ne parlez plus de lui au maréchal, ce serait risquer de le mettre en colère et de lui rendre la fièvre. Les médecins, dont il s’est peut-être un peu trop moqué pendant sa maladie, prétendent qu’il est menacé d’une rechute, et qu’alors il serait fort difficile de le tirer d’affaire : tâchons d’éviter tout ce qui pourrait lui enflammer La sang.
C’est au nom de la vie de son père qu’on lui demandait de se laisser immoler en silence ; elle obéit.
Le maréchal de Richelieu et sa tante n’avaient pas compté sur une soumission si absolue : ils en furent effrayés, et chargèrent madame Desormes de redoubler de soins et de surveillance auprès de Septimanie : chaque matin, madame Desormes venait faire son rapport au maréchal.
— Je crois pouvoir assurer monseigneur, disait-elle, que mademoiselle se porte fort bien ; seulement le matin, à son réveil, elle a un peu d’inflammation aux yeux, ce qui l’empêche de lire, de travailler comme de coutume, et lui cause de l’ennui momentanément ; mais c’est sans doute l’effet d’un coup d’air, et demain il n’y paraîtra pas : c’est du moins ce que dit mademoiselle.
— Demain, pensa le maréchal, non ; mais bientôt… À cet âge, il y a cent distractions contre un regret, il faut bien qu’il succombe !
La présentation du comte d’Egmont à la famille de Richelieu se fit avec tout le cérémonial possible. Sa mère, la comtesse douairière d’Egmont, avait quitté son antique château de Braine pour assister à cette présentation et au mariage de son fils. Cette femme, quoique fort âgée, montrait encore les vertiges de cette beauté dont M. le duc[1] avait été, disait-on, fort épris, lors de son entrée au ministère ; triomphe dont la vieille comtesse faisait pénitence par une dévotion austère.
Lorsque le comte d’Egmont entra dans le salon de l’hôtel de
- ↑ M. le duc de Bourbon, premier ministre après la mort du régent.