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en jour au despotisme militaire, et je ne doute pas que dans le nombre de vos jeunes conquérants il ne se trouve un futur César.

— C’est possible, dit Riouffe, mais la race des Brutus n’est pas encore éteinte.

— À quoi servent-ils ? reprit Chénier, à préparer le règne d’un Tibère. En vérité, j’aimerais autant celui d’un cardinal de Richelieu.

— Espérons mieux que tout cela, dit madame Talma ; la liberté nous coûte assez cher pour la défendre contre toute espèce de tyrannie, même celle de la gloire. Et puis n’êtes-vous pas là pour plaider sa cause ? Les tournois de la tribune ont aussi leurs vainqueurs, et les couronnes de chêne valent bien celles de laurier.

Adolphe ayant ainsi ramené la conversation sur les intérêts politiques. Il n’aurait plus été question d’Ellénore, si le vicomte de Ségur n’était arrivé en disant :

— Je croyais madame Mansley ici ?

— Elle y était il y a peu de moments, dit madame Talma.

— Ce sont vos discussions politiques qui l’auront fait fuir. Vous avez la rage de vouloir gouverner chacun à votre manière ; aussi Dieu sait comme cela va. Ce n’est pas que ses idées anglaises sur la liberté à la mode soient meilleures que les vôtres, et qu’elle les soutienne avec moins d’entêtement ; mais elles ont un faux air de raison qui ne leur permet pas de supporter vos folies ; je l’avais prévu, elle sera partie d’ici révoltée.

— J’en serais désolé, dit Riouffe, car je me fais une grande joie de la revoir, et s’il ne fallait pour cela que se déguiser en Vendéen, je n’hésiterais pas un instant, au risque d’être traité comme ce pauvre Charrette… Mais