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conversation est trop légère. La pruderie de madame Mansley s’en effaroucherait trop vite.

— Elle est prude ? dit Chénier. J’aurai dû le deviner. Elle doit être fière aussi. Son rang l’y oblige, ajouta-t-il d’un ton moqueur. Mais tout cela n’empêche pas qu’elle ne soit fort jolie, et ne déraisonne sérieusement avec beaucoup d’esprit.

Alors il s’engagea une sorte de combat entre les admirateurs et les détracteurs d’Ellénore, qui déplaisait visiblement à la maîtresse de la maison, et qu’elle voulut terminer en disant :

— Vous êtes tous également exagérés dans votre opinion sur madame Mansley. Je suis certaine que celle d’Adolphe, qui garde le silence, est la seule raisonnable. Voyons, que pensez-vous de cette belle Ellénore ?

— Moi, madame, répondit Adolphe avec l’air d’un homme qu’on éveille en sursaut. Je ne l’ai pas vue.

— Quoi ; vous n’avez pas vu cette femme charmante dont nous parlons depuis une heure ?

— J’ai de mauvais yeux… vous le savez… J’étais placé loin d’elle… je ne l’ai pas regardée…

— Voilà une insouciance qui pourra vous coûter cher, mon ami, si jamais on la raconte à celle qu’elle offense, dit madame Talma. Ce sont de ces fautes que la meilleure des femmes punit comme un crime.

— Lorsqu’on lui en fournit l’occasion ; mais…

— Elle se trouve toujours, interrompit Chénier, et je vous prédis qu’avant peu…

— Je ne crois point aux oracles ; les vôtres surtout ont beaucoup perdu de leur crédit depuis qu’ils m’ont prédit le triomphe de la république en France sur tous les autres gouvernements ; je la vois tourner de jour