Page:Nichault - Ellenore t2.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dramatiquement retracées par nos grands romanciers modernes.

Nous avons laissé Ellénore chez madame Talma au moment où Adolphe de Rheinfeld venait d’y entrer.

Il avait quitté une petite cour d’Allemagne où sa famille s’était réfugiée lors des persécutions religieuses, pour visiter la France dont la révolution l’intéressait ; mais bientôt, retenu par la difficulté de franchir les frontières, sous peine d’être arrêté comme émigré, par le désir de constater ses droits de citoyen français, et plus encore par l’attrait de la société spirituelle qui l’avait accueilli, il s’était décidé à vivre à Paris ; c’était la vraie patrie de son esprit, dont la finesse, l’ironie, la profondeur, la gaieté, n’auraient obtenu autant de succès dans aucun autre pays.

— Comment trouvez-vous mon cher Adolphe, dit à voix basse madame Talma en se penchant vers Ellénore, pendant que M. de Rheinfeld répondait à MM. Riouffe et à Chénier, qui étaient assis de l’autre côté de la cheminée.

— Mais je n’ose trop vous l’avouer, répondit Ellénore ; il est, je crois, un des amis que vous préférez !…

— Oh ! vous pouvez dire le plus cher… car il est si aimable !…

— Alors, je suis forcé de le trouver charmant, reprit en souriant Ellénore.

— Non, vraiment, je ne suis pas si exigeante, et d’ailleurs je sais l’effet qu’Adolphe produit à la première vue, sa grande taille un peu dégingandée, sa figure pâle, ses cheveux d’étudiant de Gottingen, ses besicles et son air moqueur le font prendre tout d’abord en exécration. J’ai éprouvé cela comme vous ; mais