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d’événements étranges, à la place que j’occupe. Hélas ! je ne saurais la définir, cette place, car je ne crois pas qu’il en existe de semblable dans l’état de société où nous vivons. Mais au milieu de cette foule d’égoïstes, de cœurs légers, d’esprits méchants, dédaigneux, il se trouve parfois une âme pure et généreuse qui tient compte des bonnes actions, des sentiments élevés dans les situations les plus périlleuses de la vie morale, qui pardonnent à l’inexpérience de tomber dans les piéges de la séduction, à l’abandon d’accepter l’asile offert par une protection intéressée ; enfin, un être assez juste, assez éclairé pour ne pas confondre la faiblesse et la corruption, le vice et le malheur. Celui-là ne lira pas sans attendrissement mon histoire… Jurez-moi de l’écrire telle que je vous la dirai, telle que Dieu la sait, ajouta Ellénore en levant les yeux au ciel. Cette promesse m’assurera une mort tranquille ; me la faites-vous ?

— Oui, répondis-je en lui prenant la main ; puisse le serment que je fais de vous obéir rendre la paix à votre noble cœur ; puisse l’ardent désir de vous peindre avec tous les agréments, toutes les qualités dont le ciel vous a douée, me donner le talent qui me manque ! Dictez et j’écrirai.

J’offre aujourd’hui à mes lecteurs le résultat de cette promesse.

De puissantes considérations m’ont empêchée jusqu’à présent de publier cette histoire, dont les principaux noms seulement sont changés. Je la crois profitable aux personnes qui, nées pour la vertu, sont prêtes à accepter une situation à laquelle leur caractère ne pourra jamais se soumettre ; et profitable aussi à celles qui, dupe des apparences, ont trop souvent tort de pousser la sévérité jusqu’à l’injustice.