Page:Nichault - Anatole.djvu/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la puissance de l’empêcher. Tant qu’on voit une femme recevoir les soins d’un homme aimable, on dit qu’elle les encourage ; s’attriste-t-elle de ses assiduités auprès d’une autre, on la dit jalouse. C’est une vieille routine adoptée par la malignité, et que rien ne saurait changer ; mais remarquez que ces mêmes gens si prompts à supposer les torts qu’on leur cache, n’en sont pas moins indulgents pour tous ceux qu’on leur montre, et que souvent, pour les désarmer, il suffit de paraître ne les pas craindre.

— Et comment ne craindrait-on pas une méchanceté dont les suites peuvent devenir si funestes ? Le caractère de mon frère est assez connu, je pense, pour ne pas laisser supposer qu’il endurât patiemment de tels propos.

— Soyez tranquille, le bruit n’en parviendra jamais à ses oreilles ; sur ce point, la discrétion française l’emporte sur le plaisir de nuire : on verrait avec horreur celui qui troublerait par une lâche trahison la paix conjugale d’un mari ; et la société en ferait bientôt justice.

Ce ne fut pas sans peine que la princesse parvint à faire comprendre à Valentine les subtilités de ce code des lois mondaines, qui condamne la délation sans punir la calomnie. Les idées que madame de Saverny s’était faites au véritable honneur s’accordaient mal avec cet honneur de convention, parfois sévère et parfois complaisant, qu’on lui assurait avoir un si grand empire dans le monde. Si toute