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ce dépit qu’on éprouve toujours à la suite d’une démarche imprudente et mal interprétée, lui donna l’air d’une personne qui craint d’être devinée. On avait trouvé tout simple le caprice qui l’avait engagée à désirer la loge du duc de Moras, on s’étonna de lui voir mettre tant d’importance à s’en défendre ; et chacun y prêta le motif qui lui parut le plus probable. C’est ainsi qu’on juge souvent dans le monde de l’étendue d’une inconséquence par le plus ou moins de soin qu’on porte à s’en disculper.

Fort heureusement pour Valentine, la princesse interrompit les excuses et les remercîments qu’elle adressait au duc de Moras, en disant :

— Regardez, madame, le joli présent que je viens de recevoir !

Et elle conduisit la marquise auprès d’une table sur laquelle se trouvait un jasmin d’Espagne d’une rare beauté. Il avait la forme d’un oranger : sa tige élancée était recouverte d’un buisson de fleurs, et tout attestait qu’il avait déjà bravé bien des hivers, Valentine convint qu’elle n’en avait jamais vu de pareil, et cependant son goût pour les fleurs lui avait fait souvent rechercher les plus belles, et les serres du château de Saverny étaient citées parmi les plus complètes en ce genre. Aux airs modestes que le duc de Moras prit en voyant chacun admirer cet arbuste, Valentine devina que c’était lui qui l’avait offert, et lui en fit compliment. Il y répondit en avouant qu’il le tenait d’un de ses amis qui l’avait