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La discussion s’établit sur ce sujet si souvent rebattu. Le chevalier plaida la cause des femmes en chevalier français, et fut bien étonné d’avoir à combattre madame de Saverny, dont l’avis était que les talents les plus distingués et le succès qui en résultait ne pouvaient dédommager une femme du malheur attaché à la célébrité. Madame de Nangis insista pour savoir l’opinion de M. Lavater sur cette réflexion de Valentine, et le commandeur fut obligé de lui avouer que Lavater entendait assez bien le français, mais ne répondait jamais qu’en allemand. C’est pourquoi, ajouta-t-il, j’ai osé vous dire que vous pourriez bien ne pas le comprendre.

Cet aveu rendit à la comtesse toute sa bienveillance pour Lavater ; elle pria le commandeur de lui servir d’interprète, et la conversation s’engagea bientôt comme elle le désirait. Elle eut beaucoup à se louer de l’aimable indulgence du philosophe pour celles qu’il appelait ses chères pécheresses ; mais elle fut souvent contrariée de son attention à considérer Valentine. En effet, rien ne pouvait le distraire du plaisir qu’il prenait à contempler l’ensemble de ce beau visage : ses yeux y restaient fixés comme un livre dont chaque page augmente l’intérêt. C’est en regardant Valentine qu’il s’écria :

— L’expression d’une âme pure sur des traits enchanteurs n’a-t-elle pas tout le charme d’une harmonie céleste !

Vers la fin du dîner, M. de Saint-Albert parla d’un