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— Mais il me semble que sans blesser son amour-propre, vous auriez pu être moins prodigue d’éloges.

— Ah ! vous connaissez bien mal ces sortes de gens-là : vous blâmez mon exagération envers lui, eh bien, je ne serais pas étonné qu’il m’eût trouvé très-froid dans mes éloges, et que pour s’en venger il ne méditât quelques petits refrains joyeux contre moi.

— En effet, si la mauvaise foi se devine, j’ai peur pour vous ; mais qui peut obliger à recevoir une personne dont l’aimable esprit cause une si vive terreur ?

— On espère toujours l’avoir pour soi, et comme il ne vous montre jamais que les méchancetés adressées aux autres, à moins qu’il ne se trompe de poches, on ne risque pas de savoir celles qu’on lui inspire.

— Mais savez-vous bien que cela fait un très-vilain métier.

— Pas plus vilain qu’un autre. Au bout du compte, cet homme-là ne fait que rimer la prose de tout le monde, sa malice a rarement le mérite de l’invention ; il peint ce qu’il voit, copie ce qu’il entend, médit de tous ; et l’on sait qu’il a son couvert mis à la table de chacune de ses victimes.

— Je puis vous assurer qu’il ne sera jamais admis à la mienne.

— Il n’en voudrait pas de la vôtre : que ferait-il chez une femme qui ne peut ni goûter ni inspirer la satire ?