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vous avez sagement jugé que de ces deux choses, l’une était vraie et l’autre fort douteuse.

En disant ces mots, le commandeur regarda Valentine attentivement. Il semblait vouloir deviner si son cœur ignorait encore le bonheur d’être aimée. La naïveté qu’elle mit à lui répondre, ne lui laissa aucun doute à ce sujet : elle ne lui cacha point l’espèce d’effroi que lui causait ce tourbillon du monde où elle se trouvait lancée malgré elle, et lui fit entendre qu’elle attacherait un grand prix aux conseils d’un homme assez éclairé pour la bien guider. C’était réclamer ceux de M. de Saint-Albert. Touché de tant de confiance et de modestie, il lui promit tout le zèle d’un ami dévoué, et finit par lui dire :

— Savez-vous qu’il faut bien vous aimer pour consentir ainsi à vous déplaire ; car le rôle d’un vieil ami est parfois celui d’un censeur.

— Rappelez-vous le premier mot que j’ai entendu de vous, et vous conviendrez qu’on peut me censurer sans me déplaire.

— Ah ! je ne doute pas de votre indulgence pour les sots jugements, je ne crains que pour ceux qui sont justes et sévères ; ce sont les seuls qu’on ne pardonne pas.

— Qu’avez-vous à craindre, je supporte bien vos injurieux soupçons, quand il vous plaît de mettre sur le compte d’une curiosité frivole, le désir si naturel de connaître une personne qui s’est blessée pour moi.