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rien n’est aussi franc que la physionomie ; et je puis vous assurer que si dans le monde on ment beaucoup, on trompe fort peu.

— Alors, pourquoi se donner une peine inutile ?

— Je pense comme vous, qu’on pourrait se l’épargner avec beaucoup de gens, mais on en rencontre toujours un petit nombre dont l’inexpérience peut servir d’amusement.

— Ceci n’est pas fort rassurant pour une femme qui débute dans le monde.

— Ne croyez pas cela, le danger est tout entier pour celle que la vanité aveugle : la femme qui ne cède qu’aux impulsions de son cœur est rarement trompée ; pour l’attendrir il faut l’aimer ; et la plus ignorante sait si bien apprécier la sincérité des sentiments qu’elle inspire !

— Vous m’étonnez ; j’avais toujours entendu dire que sur ce point les plus spirituelles étaient souvent dupes des hommes les moins fins.

— Elles le disent, parce que c’est une manière d’excuser leurs faiblesses, et d’exciter l’intérêt qu’on a pour la victime d’une perfidie ; mais le fait est que rien ne s’imitant aussi mal que le véritable amour, il faut bien se prêter aux ruses d’un trompeur pour en être séduite. Vous avez peut-être déjà remarqué des preuves de cette vérité, car je vous crois l’esprit assez juste pour apprécier la valeur des hommages que l’on vous prodigue. On a dû vous répéter souvent que vous étiez belle, qu’on vous adorait ; et