Page:Nichault - Anatole.djvu/57

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ter la grâce avec laquelle le chevalier semblait se sacrifier en faisant l’aveu de ses défauts. Un autre se vantait de vices abominables. Tous exagéraient son affectation à plaire sans aimer ; ils traduisaient son naturel en familiarité, son indifférence en impolitesse, et son enthousiasme en fureur. C’était enfin le chef le plus séduisant d’une école détestable. Les vieux parents de ces jeunes étourdis, accusant le chevalier de leurs travers, essayaient vainement de les éloigner d’un modèle aussi dangereux. Dans le dépit de voir leurs conseils méprisés, ils formaient un parti d’opposition contre le chevalier, que celui-ci s’amusait quelquefois à gagner par des prévenances flatteuses et des témoignages d’une estime particulière. Personne ne savait mieux que lui, pour ainsi dire, jouer de l’amour-propre des autres ; son talent allait jusqu’à s’attirer la protection de la présidente de C…, qui arrivait toujours chez sa nièce avec l’intention de l’engager à recevoir moins souvent un homme dont les assiduités finiraient par la compromettre, et qu’un éloge adroitement indirect, ou l’apologie de quelque orateur du parlement, rendait aussi indulgente pour le chevalier, qu’elle s’était promise d’être sévère. Quant aux autres femmes de la société de madame de Nangis, elles en pensaient du bien ou du mal, en raison du plus ou moins de soins qu’elles en recevaient. Madame de Rethel était la seule qui se piquât sur ce point d’une noble indépendance ; elle écoutait sans impatience comme sans intérêt, et s’amusait