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où son libérateur déroulait des étoffes au public avec une grâce toute particulière.

— Ah ! quelle chute horrible, s’écria la comtesse, quelle affreuse découverte !

— Pour l’amour, peut-être dit Valentine, mais pour la reconnaissance, je ne vois pas ce qui rendrait honteuse d’en témoigner à un marchand d’étoffes ?

— Certainement, reprit le chevalier, il n’y a là rien de honteux, mais il est toujours gênant d’avoir des obligations à des gens trop fiers pour recevoir de l’argent, et trop pauvres pour être vos amis. On ne sait comment s’acquitter, et l’on devrait exiger d’un garçon de boutique, qui vous rend un pareil service, d’ajouter au bas de son mémoire : tant pour avoir sauvé la vie de madame.

On rit de cette idée folle, et le chevalier parvint à jeter tant de ridicule sur ces prétendus héros mystérieux, toujours prêts à braver quelque danger, que personne n’osa dire un mot en faveur de celui qui s’était exposé pour Valentine.

La société de madame de Nangis était en général dominée par l’esprit de M. d’Émerange. Les jeunes gens le prenaient pour modèle, et croyaient imiter son élégance en singeant ses manières. Comme tous les imitateurs, ils faisaient rarement un juste emploi des défauts ou des agréments qu’ils lui empruntaient ; l’un, séduit par l’ironie piquante qui égayait sa conversation, sans choquer les convenances, se moquait lourdement des choses les plus sacrées, croyant imi-