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étaient suivis d’un vieux monsieur qui se désespérait, en disant :

» — Le malheureux a l’épaule cassée.

» Et je crois que cela se pourrait bien, car à la manière dont il s’est jeté sur les chevaux, il doit avoir reçu un violent coup de timon.

Valentine fut saisie d’effroi en apprenant l’affreux accident, dont le sien était causé ; elle donna l’ordre qu’on s’informât à qui elle avait tant d’obligation, et se promit de ne rien négliger pour lui en témoigner sa reconnaissance. M. de Nangis qui partageait ce sentiment, s’engagea à faire des démarches pour apprendre le nom de cet étranger, et l’aller remercier d’une action aussi généreuse.

L’esprit trop agité de cet événement, Valentine passa la nuit sans dormir. Elle médita sur le hasard qui avait conduit ce jeune homme à sortir de l’Opéra en même temps qu’elle, et sur le mouvement d’humanité qui l’avait porté à tout risquer pour la sauver. Une grande âme pouvait seule être susceptible d’un si noble désintéressement ; et Valentine se plaisait à faire l’énumération de toutes les qualités qui dérivent de celle-là. Son imagination, exaltée par la reconnaissance, se peignait toutes les vertus réunies dans celui qui venait de lui offrir la preuve d’un cœur aussi compatissant ; elle aurait voulu trouver quelque ingénieux moyen de l’en remercier, sans être obligée d’avoir recours à ces phrases vulgaires qu’on adresse également à l’homme qui vous sauve la vie,