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elle savait que M. de Nangis devait se trouver le même soir à un rendez-vous chez le ministre des affaires étrangères, et dès qu’il fut parti, elle prétexta une subite indisposition, fit des excuses sur la nécessité de se retirer, et demanda sa voiture. Valentine, la croyant vraiment indisposée, la suit avec inquiétude, et l’engage à se mettre au lit aussitôt qu’elles seront de retour ; mais elle est interrompue dans ses avis charitables par un grand éclat de rire de la comtesse, qui tire le cordon de sa voiture, et dit à ses gens :

— À l’Opéra.

— Comment à l’Opéra ? s’écria Valentine ; mais vous n’êtes donc pas malade ?

— Bonne raison ! C’est surtout quand on est malade que l’on a besoin de se distraire.

— Mais si vous alliez y souffrir davantage.

— Je ne saurais être nulle part aussi mal qu’au milieu de tous ces vieux contemporains de ma tante. Mais en vérité je vous admire : comment trouviez-vous quelque chose à dire à ces gens-là ; moi, je ne sais pas assez bien mon histoire de France pour causer avec eux, car je suis sûre que le plus jeune était page de Louis XIV.

— Je n’ai pas le droit d’être aussi difficile que vous, reprit Valentine, et je supporte assez patiemment un moment d’ennui. Cependant, je sens que la gravité du Marais me paraîtrait bientôt insipide, s’il me fallait en souffrir plus d’un jour.