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Il faut convenir qu’elle en avait alors toute la maussaderie. Comme elle ne faisait aucun effort pour dissimuler son ennui, chacun pouvait deviner qu’il ne devait l’avantage de la voir qu’à sa déférence aux volontés de son mari ; et personne ne lui savait gré d’un sacrifice fait d’aussi mauvaise grâce.

Valentine, douée d’un meilleur esprit, savait tirer parti de celui de tout le monde. S’amusant de la gaieté, de la folie même, qui animent souvent la conversation des jeunes gens, elle s’intéressait à celle des savants et s’instruisait à celle des vieillards.

En achevant son éducation, M. de Saverny lui avait appris cette politesse, qui consiste encore plus à écouter avec intérêt, qu’à répondre avec bienveillance. Il n’avait rien oublié de ce qui pouvait ajouter au charme des qualités précieuses de Valentine ; et son plus grand regret en mourant, fut d’ignorer à quel heureux mortel il léguait une femme aussi aimable.

Le mérite de madame de Saverny fut apprécié des amis de la présidente, et quand le dîner fut fini, on se disputa l’honneur de faire sa partie. Madame de Nangis avait grande envie de se soustraire aux lenteurs d’un boston, qui menaçait de remplir la soirée, mais elle y fut condamnée par un regard de son mari, dont la sévérité, pour tous ces petits devoirs de société, ne pouvait se comparer qu’à son indulgence pour de plus grands travers. La comtesse se promit bien de n’obéir qu’à moitié à cet ordre ;