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ne vous aurais jamais soupçonné de sentiments si doux.

— Voilà bien de vos jugements, repartit le chevalier avec impatience ; parce qu’il est reçu dans le monde qu’on ne doit parler qu’avec son esprit, vous en concluez qu’on a le cœur sec. Ne savez-vous pas que l’on passe sa vie à afficher des défauts qu’on n’a point. Vous, qui me raillez, je vous ai vue cent fois vous parer d’une légèreté factice, et tourner en plaisanterie le trait qui provoquait le mieux votre attendrissement. Sur ce point nous sommes tous plus ou moins hypocrites.

Madame de Nangis se trouva blessée de cette réponse, et plus encore du mouvement d’humeur qui semblait l’avoir dictée. Elle s’en vengea par des épigrammes, dont Valentine essaya d’adoucir l’amertume par des mots conciliants. Tout en conservant les formes de la plus stricte politesse, la querelle devint très-vive, et laissa des impressions fâcheuses dans l’esprit de la comtesse ; elle soupçonna pour la première fois au chevalier le désir de plaire à sa belle-sœur, et l’accusa, intérieurement, d’avoir la fatuité de paraître la sacrifier à sa passion naissante. Elle en conçut d’abord une juste indignation ; car la comtesse se croyait exempte de tous reproches, par la seule raison que sa conscience était en repos sur les droits du chevalier. Comme toutes les coquettes, elle comptait pour rien le malheur de se compromettre, et s’indignait qu’on pût la soupçon-