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produi- un effet si bizarre sur sa figure moutonne, qu’il fut impossible de modérer les éclats de rire, et d’entendre un seul mot de sa pièce. Ah ! c’est un homme précieux que je me ferai toujours un vrai plaisir de rencontrer !

— N’ayez pas de regret, ce n’est pas lui que nous avons vu.

Alors le chevalier passa en revue tous les gens auxquels il trouvait ou donnait des ridicules. Madame de Saverny, sans reconnaitre ses portraits, ne pouvait s’empêcher d’en rire. Il en conclut que sa malice l’amusait, et en devint plus piquant. Cependant un mot de madame de Nangis le fit changer de ton.

— Ne vous l’avais-je pas bien dit, Valentine, que la gaieté de M. d’Émerange triompherait de tous les genres de tristesse ? Vous qui vantez si bien les charmes de la mélancolie, avouez que le plaisir de rêver ne vaut pas celui de rire.

Il n’en fallut pas davantage pour faire changer de rôle au chevalier : il amena avec adresse la conversation sur des sujets plus graves, raconta sans affectation, quelques traits d’une sensibilité touchante, et jouit du plaisir de se voir écouté avec intérêt par Valentine. Madame de Nangis, que le chevalier n’avait pas accoutumée à des entretiens de ce genre, lui en témoigna son étonnement, en disant :

— Serait-il bien indiscret de vous demander où vous avez lu tout cela ? en vérité, le chevalier de Florian ne nous dirait rien d’aussi pathétique, et je