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qui ne l’avaient jamais vue, combattaient avec raison cet avis injurieux ; et Valentine ne fut pas longtemps à s’apercevoir qu’elle était l’objet de l’attention générale. Sa modestie en souffrit d’abord un peu, mais son amour-propre jouit bientôt du plaisir d’être admirée ; elle en devint plus agréable encore, car rien n’embellit comme la certitude de plaire. Tant d’hommages l’auraient peut-être un peu trop enivrée, si elle n’avait entendu dire à un homme qui passait auprès d’elle :

— Je me méfie de ces beautés si régulières ; elles naissent ordinairement sans esprit, et la flatterie les rend stupides.

Cette phrase, et le ton de mépris qui l’accompagne, excitent la curiosité de Valentine ; elle veut connaître la figure d’un censeur aussi sévère, se retourne, et voit un homme dont l’âge lui rappelle M. de Saverny, mais dont les yeux brillants et les traits marqués donnent à sa physionomie une expression dure qui inspire plutôt la crainte que la confiance. Pour se venger de la sentence qu’il vient de prononcer un peu trop haut contre elle, madame de Saverny se penche vers sa sœur, et lui demande comment on nomme ce monsieur si peu indulgent ; c’est le commandeur de Saint-Albert, répond madame de Nangis, un original qui se croit le droit de tout fronder, parce qu’il est trop vieux pour s’amuser de rien. C’est par égard pour l’ambassadeur d’Espagne, dont il est l’intime ami, qu’on l’invite partout. Votre frère prétend que