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chiffons que madame de Nangis regardait comme l’absolu nécessaire d’une femme élégante. En personne qui n’a rien à redouter des succès d’une autre, elle se réjouissait de celui qu’obtiendrait Valentine, lorsqu’elle paraîtrait pour la première fois dans une grande assemblée, revêtue d’une parure brillante et recherchée, dont le bon goût attesterait les soins qu’y aurait apportés madame de Nangis, et le généreux plaisir qu’elle trouvait à montrer dans tout son éclat la beauté de sa sœur. On se tromperait, si l’on concluait d’après ce noble procédé, que madame de Nangis fût incapable d’envie : mais on est rarement jaloux de son ouvrage ; et l’idée que Valentine lui devrait son triomphe, lui en faisait partager d’avance la gloire.

Le moment d’en jouir fut fixé au jour que choisit la princesse de L… pour donner un grand bal. L’effet qu’y produisit la beauté de madame de Saverny alla fort au delà de ce que s’en était promis sa belle-sœur. C’était, disait-on, la taille la plus svelte, le regard le plus séduisant, la tournure la plus gracieuse et la plus imposante. Les personnes dont l’esprit malin s’était épuisé en bons mots sur l’Artémise du concert de madame de Nangis, restaient confondues, et ne pouvaient concevoir que le seul talisman d’une parure nouvelle eût eu le pouvoir d’opérer une semblable métamorphose. Leur malignité en était réduite à la triste ressource d’avouer que la marquise de Saverny était assez belle, mais d’une beauté insignifiante. Ceux