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Mais elle devait savoir qu’au jour de réunion les étrangers passent avant tout. Il lui parla dans le plus grand détail des avantages qu’elle pourrait retirer de son séjour à Paris. Le premier de tous, à ses yeux, était de faire faire à sa sœur un grand mariage. Dans les idées de M. de Nangis, le bonheur n’était autre chose qu’un état brillant dans le monde ; et c’est dans la franchise de son amitié, qu’il conseillait à sa sœur de tout sacrifier au projet d’un second établissement, digne de sa fortune. Valentine avait un sincère désir de se laisser diriger dans sa conduite par son frère. Elle rendait justice à ses bonnes qualités, à l’esprit d’ordre qui le caractérisait ; mais elle se sentait incapable d’être heureuse d’un bonheur qu’il lui aurait choisi ; leurs goûts étaient trop différents.

Madame de Saverny, docile sur tous les petits intérêts de la vie, avait cependant une volonté immuable. On la voyait sans cesse soumettre ses projets, ses plaisirs, aux caprices de ses amis ; mais aucun d’eux n’eût obtenu le sacrifice d’un de ses sentiments. Élevée dans la retraite la plus austère, elle avait appris à mépriser les joies et les tourments de la vanité. Les religieuses, chargées de son éducation, sachant que la volonté de son père la condamnait à vivre loin du monde, lui en avaient fait un tableau effrayant ; à force de lui répéter que l’égoïsme et la perfidie dirigeaient toutes les actions des hommes, Valentine en avait conçu tout naturellement une