Page:Nichault - Anatole.djvu/27

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans trop écouter ce qu’elle disait, il remarqua les plus belles dents et le plus gracieux sourire. Mais il garda le secret de cette découverte, et n’osa pas démentir son premier jugement.

Cependant un sentiment de curiosité le rapprocha de madame de Saverny. Placé entre elle et la princesse de L…, il observa que Valentine écoutait la musique en personne de goût ; et, dans ce qu’il put entendre de ses réponses à la princesse, il reconnut un choix d’expressions élégantes et simples, qu’on rapporte assez rarement de la province. Le collier de madame de Nangis s’étant dénoué, Valentine ôta ses gants pour le rattacher, et laissa voir un bras charmant. Le Chevalier n’en fut pas moins de l’avis de tous ceux qui se refusaient à la trouver belle. Cependant lorsque le concert finit, et que madame de Nangis vint, accompagnée de plusieurs jolies femmes, le supplier de chanter quelques-unes des romances qu’il avait mises à la mode, il parut ne céder qu’à leurs instances ; mais le fait est que madame de Saverny fut la seule qui n’osât le prier, et qu’il ne chanta que pour elle.

Un long séjour en Italie avait rendu M. d’Émerange fort bon musicien ; il avait une voix agréable, et chantait avec goût. Sa prétention était de ne paraître attacher aucune importance à ses talents ; mais, tout en ayant l’air de se croire fort indigne des applaudissements qu’on lui prodiguait, il ne pardonnait pas la critique. Malheur aux femmes qui trouvaient