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de notre infortune, la divinité daigne alors penser pour nous. Ce que tous les secours n’avaient pu faire, une seule plainte d’Isaure l’opéra : le son de cette voix chérie ranima les esprits de madame de Nangis, et l’existence parut lui revenir avec la certitude que son enfant respirait encore.

En ce moment le docteur P… arriva et partagea ses soins entre Isaure et sa mère. Il les prodigua avec d’autant plus de zèle, qu’il s’accusait d’être la cause de l’état où il voyait la comtesse. En effet, c’est lui qui avait parlé la veille, chez l’abbesse du couvent des Filles de la Miséricorde, du danger où se trouvait la nièce de madame de Saverny. Il l’avait peint dans toute sa force, pour engager ces dames à prendre de grandes précautions pour leurs pensionnaires, sans se rappeler que madame de Nangis habitait leur maison. Le bruit de la maladie de sa fille lui parvint bientôt, avec tous les détails qui pouvaient augmenter son effroi. Son imagination, déjà exaltée par le repentir et la douleur, se peignit la mort de son enfant comme un châtiment dû à ses fautes. Et dès-lors, le désespoir s’emparant de son âme, elle ne pensa plus qu’à revoir une seule fois l’objet de ses regrets, avant de le suivre au tombeau. Quelques louis donnés à la tourière, lui obtinrent la facilité de sortir du couvent avant qu’il fît jour. Elle erra longtemps dans les rues de Paris, sans pouvoir reconnaître celles qui la conduiraient chez Valentine ; enfin, s’étant adressée à un pauvre Savoyard que la misère