Page:Nichault - Anatole.djvu/243

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tenir de lui quelque soumission aux ordres du docteur, j’étais obligé de lui donner chaque jour de vos nouvelles, et de répondre à toutes les questions qu’il ne cessait de me faire sur votre compte. Comme son état exigeait une parfaite immobilité, nous ne lui permettions aucun signe ; mais il s’en vengeait en écrivant au crayon, sur ses tablettes, des phrases auxquelles je répondais dans son langage ; ensuite il essayait de tracer un profil dont je reconnaissais les traits, et que pour rendre plus frappant il effaçait, puis retraçait encore ; enfin, je reconnus tous les symptômes d’une passion qui allait ranimer sa vie. Je pressentis les chagrins qu’elle pourrait lui coûter, et lui en fis un tableau effrayant ; mais je me sentis forcé de l’approuver, lorsqu’il m’assura que tous les tourments de l’amour étaient préférables à cet état de langueur qui menaçait d’éteindre toutes les facultés de son âme. D’ailleurs, il prétendait être fort heureux du seul bonheur de vous aimer, pourvu qu’il n’eût jamais à supporter vos dédains. L’idée de vous attacher par la reconnaissance, en vous restant inconnu, l’égarait au point de croire que, s’il obtenait cette faveur, il ne lui resterait plus rien à désirer. Ce sentiment si désintéressé, si peu dangereux pour vous, me toucha vivement, et je le regardais comme un moyen d’occuper dignement le cœur d’Anatole. En pensant ainsi, j’étais loin de me flatter du moindre succès pour son amour ; mais je dois vous avouer que voyant tout ce que la reconnais-