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mencions à nous voir au bout de nos ressources en ce genre, lorsqu’un soir, d’heureuse ou fatale mémoire, dit le commandeur en fixant les yeux sur Valentine, je vis entrer chez moi M. de Selmos, cet ancien gouverneur d’Anatole, la pâleur sur le front, et dans tout le désordre d’un homme qui vient annoncer une affreuse nouvelle. L’excès de sa douleur ne lui permit pas de me préparer au spectacle qui allait me frapper, et je pensai mourir d’effroi en voyant déposer sur mon lit le corps inanimé de ce pauvre Anatole. Le désespoir de son gouverneur, les larmes que répandaient ses gens, tout me persuada qu’il n’existait plus, et je frémis encore du souvenir de ce qui se passa dans mon âme à cette horrible idée. Mais le chirurgien qu’on avait fait appeler vint me rendre la vie en m’assurant que le malade ne tarderait pas à revenir de l’évanouissement où l’avait plongé la violence du coup qu’il avait reçu. En effet, Anatole ouvrit bientôt les yeux : son premier mouvement fut de me tendre la main, ensuite il la porta sur sa blessure, en me faisant signe qu’elle n’était point dangereuse. Cependant il avait l’épaule cassée et une forte contusion à la poitrine. On le saigna après avoir pansé sa blessure, et je fus étonné de voir son visage conserver, au milieu des souffrances les plus aiguës, une expression de bonheur que j’y remarquais pour la première fois. Impatient d’expliquer ce mystère, je questionnai M. de Selmos, qui me raconta ce qui venait de se passer à l’Opéra.