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ses yeux. Le bruit de sa vengeance parvint bientôt à la duchesse ; elle en instruisit Anatole avec tous les ménagements convenables, et fut très-étonnée de le trouver beaucoup plus modéré dans ses regrets qu’elle ne l’aurait espéré. La précipitation avec laquelle il avait obtenu son bonheur lui avait souvent donné l’idée qu’il pourrait le perdre de même ; et d’ailleurs cette félicité fugitive avait plus enivré ses sens que pénétré son âme. Loin d’éprouver ce vide affreux où laisse l’abandon du seul objet qu’on puisse aimer au monde, quelque chose l’avertissait que la perte d’une femme, qui n’était que jolie, se réparait facilement par la possession d’une autre ; et il fut bientôt convaincu de cette vérité, lorsque les préférences de plusieurs belles Italiennes vinrent achever de le distraire du chagrin d’être trahi. La duchesse de Linarès, ravie de voir l’effet que produisait sur son fils le séjour de l’Italie, résolut de s’y fixer quelque temps. Elle se rendit à Rome dans l’intention d’y passer l’hiver ; mais lorsque le printemps vint parer de sa verdure les beaux sites et les ruines dont raffolait Anatole, il fut impossible de l’arracher de cette terre de souvenirs. Son imagination s’enflamma à l’aspect de tant de merveilles ; le désir de les chanter et de les retracer le rendit peintre et poëte, et il se livra aux arts avec toute la passion de son caractère. Mais, comme ce genre d’étude est celui qui dispose le mieux un cœur tendre aux impressions de l’amour, on le vit bientôt