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quetterie ; il sentait que dans sa position le succès pouvait seul mettre à l’abri du ridicule, et son cœur n’étant pas encore atteint, il triomphait sans peine du trouble de son imagination ; mais quand on n’est soutenu dans sa sagesse que par la crainte d’un revers, on doit facilement succomber à la certitude de réussir : et c’est ce qui arriva. Anatole, se trouvant un soir chez la reine, reçut deux mots tracés au crayon sur l’éventail de la jolie comtesse d’Alméria. Cette jeune veuve, aussi emportée dans ses désirs qu’inconstante dans ses affections, avait imaginé que le plus sûr moyen de lui inspirer une passion folle était de l’attacher par la reconnaissance. L’idée de captiver tous les sentiments d’un homme que son malheur et ses avantages rendaient également intéressant, flattait son amour-propre. Ce caprice lui présentait tous les charmes d’une liaison qui pouvait se changer en attachement sérieux, et devenir le but de son ambition après avoir été celui de son amusement. Mais la duchesse de Linarès, qui redoutait l’empire qu’une femme de ce caractère pourrait exercer sur le cœur exalté de son fils, mit tous ses soins à l’éloigner d’elle. L’état de sa santé lui en fournit bientôt l’occasion. À la suite d’une maladie grave, les médecins ordonnèrent à la duchesse les eaux de Pise, et son fils s’empressa de l’y accompagner. Quelque temps après le départ d’Anatole, la comtesse Alméria le punit du tort d’être absent : c’était un crime qui n’obtenait jamais grâce à