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duit, si l’intimité de son père avec toute ma famille ne m’avait fourni les occasions de la voir souvent, et de me convaincre qu’il était possible de réunir les qualités d’une âme sensible aux ornements d’un esprit supérieur, et tous les charmes de la modestie à ceux de la figure. Cette découverte décida du destin de ma vie ; je me reprochai le temps que j’avais perdu dans ce commerce de galanterie, où plusieurs femmes s’étaient livrées au plaisir de me trahir sans se donner la peine de me tromper, et je consacrai tous mes instants au soin de prouver à Mélanie que je ne vivais que pour elle. Son cœur me devina bientôt, et répondit au mien. Modestie à part, je ne puis expliquer cette préférence que par l’excès de mon amour ; car, dans le nombre de mes rivaux, il y en avait de très-séduisants ; et je crois que s’ils avaient pu se résoudre à s’aimer un peu moins eux-mêmes, ils auraient été plus aimés que moi.

» Lorsque je reçus l’aveu de Mélanie, je me crus roi de l’univers, je défiai toutes les puissances du monde de s’opposer à l’accomplissement de notre bonheur mutuel. Nous en avions déjà fixé l’époque ; et, comme nous formions tous ces projets sous les yeux de nos parents, nous ne doutions pas de leur consentement. Mais le marquis de Belduc ne nous laissa pas longtemps jouir d’une si douce illusion : il entra un matin chez sa fille, l’embrassa plus tendrement qu’à l’ordinaire, et lui déclara qu’il touchait enfin au moment de voir son ambition satisfaite. Ce