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teurs, l’un avec une fable ingénieuse, l’autre avec des couplets charmants. Ceux que le premier avait attendris par les traits d’une sensibilité touchante étaient transportés par l’esprit piquant et la gaieté de l’auteur d’Aline ; il est vrai que son nom et son état dans le monde lui donnaient les moyens de faire valoir à son gré tous les agréments de son esprit. Quand un homme de la cour se donne la peine d’avoir des talents, et qu’il daigne y joindre quelque instruction, ses succès n’ont plus de bornes, il peut prendre à son choix tous les tons ; sa gravité passe pour celle d’un homme d’État, et sa gaieté ne paraît jamais trop familière ; tandis qu’un pauvre poëte est toujours obligé de soumettre son talent au ton de la flatterie.

On croit peut-être qu’après les applaudissements si justement prodigués aux jolis couplets du chevalier de Boufflers, personne n’osa plus se présenter pour en chanter d’autres. Mais s’il y a des gens qui ne doutent de rien dans le monde, c’est bien sûrement dans la classe des faiseurs de madrigaux qu’on peut les rencontrer. Un des plus intrépides entamait déjà son préambule, lorsque la princesse, fatiguée du retour de ces éternelles rimes : de la fête, qu’on apprête, et de l’ivresse, de la tendresse, vint en suspendre le cours en priant le comte d’Émerange de chanter quelques romances. C’était prévenir ses désirs ; et il se rendit aussitôt à ceux de la princesse. En préludant sur le piano, ses yeux se portèrent sur madame de Saverny, et il la regarda d’une manière qui