Page:Nichault - Anatole.djvu/211

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vait les rendre incapables d’éprouver un sentiment profond. Les plus estimables mêmes ne me semblaient pas à l’abri des séductions de la vanité ; et tout en rendant justice à leur sensibilité, à la durée de leurs affections, et au noble dévouement qui en était souvent la suite, je croyais qu’on ne pouvait obtenir autant de leur cœur, qu’en flattant leur amour-propre. J’en ai tant vu préférer la gloire d’être affichées publiquement, au bonheur d’être aimées en secret ! Mais vous m’avez prouvé que ce bonheur pouvait suffire à l’âme la plus pure. Vous avez dissipé mon erreur, et vous me livrez maintenant au regret d’avoir fait naître dans votre cœur un sentiment que je n’y saurais détruire.

— Ah ! cessez de vous accuser d’un mal qui n’est pas votre ouvrage, interrompit Valentine, son image était gravée dans mon cœur, bien avant que vous ne l’eussiez fait battre en me parlant de lui !

— Vous voulez en vain me justifier ; à mon âge on ne se fait plus d’illusion sur ses torts. C’est en vous parlant des vertus d’Anatole, que je vous ai fait oublier le danger de l’aimer ; c’est, rassuré par l’idée que cette passion qui égarait sa raison, ne troublerait jamais la vôtre ; c’est peut-être aussi par je ne sais quelle vague espérance de voir récompenser tant d’amour par un sacrifice héroïque, que je me suis aveuglé moi-même sur les malheurs qui pouvaient résulter d’une intimité de ce genre. Enfin, je reconnais toute l’étendue de mon imprudence, et