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je n’avais pour consolations que les preuves de son amour !… Ah ! pourquoi sa barbare générosité m’a-t-elle sauvé la vie ?… Que ferai-je d’un bien que je ne puis plus lui consacrer ?… C’est en vain que je chercherais encore à m’abuser sur le sentiment qu’il m’inspire. Ce cruel sentiment règne seul dans mon cœur ; l’amitié même ne peut m’offrir de secours contre les regrets qui me tuent… Ah ! puisque je consentais à t’aimer sans espoir de bonheur, cruel ! pourquoi m’as-tu ravi les tourments délicieux qui agitaient mon âme ?…

C’est en exhalent ainsi sa douleur, que Valentine passa le reste de la nuit ; lorsqu’elle se rendit le matin auprès du commandeur, il fut frappé de l’altération de son visage.

— Ah ! lui dit-il en prenant sa main avec affection, ménagez-moi, Valentine, je ne suis pas en état de supporter l’accablement où je vous vois ; si votre courage ne soutient pas le mien, je m’accuserai de vos peines, et vous me verrez mourir du remords d’avoir empoisonné votre existence.

— Eh ! quel reproche pourrait troubler votre repos ? N’est-ce pas à vous, mon ami, que je dois l’unique consolation qui me reste.

— Non, reprit M. de Saint-Albert, c’est peut-être à moi seul que vous devez tous vos malheurs. La connaissance du monde qui m’a servi tant de fois, m’a trompé celle-ci ; j’avais remarqué toute ma vie, dans le caractère des femmes, un fond de légèreté qui de-