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liment possible, que rien dans le monde ne lui ferait chanter une note, si son accompagnateur ordinaire n’était pas au piano. Madame de Nangis lui représenta vainement que plusieurs compositeurs d’un grand talent et fort habitués à tenir le piano, offraient de l’accompagner, si l’artiste appelé pour avoir cet honneur, et que sa réputation au concert de la reine semblait en rendre digne, ne lui inspirait pas de confiance. La célèbre cantatrice resta immuable dans sa volonté ; et madame de Nangis fut réduite à donner l’ordre d’atteler ses chevaux pour faire courir après cet indispensable confident des intentions musicales de la signora de B… Cette petite discussion jeta l’alarme dans la brillante assemblée. À l’air d’humeur qui s’était peint sur le visage de madame de Nangis, et aux gestes multipliés de la signora, qui semblaient tous dire : « Cela m’est impossible, » on avait jugé qu’elle refusait de chanter. La désolation était générale ; et les gens qui, par goût, attachaient le moins de prix à un grand air italien, paraissaient les plus inconsolables.

Le chevalier d’Émerange fut député auprès de madame de Nangis, pour savoir s’il restait encore quelque espérance ; il profita de cette occasion pour demander à la comtesse si sa belle-sœur était au nombre de toutes les jolies femmes qu’elle avait réunies.

— Non, lui répondit-elle ; si madame de Saverny était ici, vous l’auriez déjà reconnue.