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soupçonner les sentiments de la comtesse. Ce procédé généreux, en dissipant sa crainte, la livra au remords ; et rien ne saurait peindre ce qu’elle souffrit en voyant son mari s’animer de plus en plus contre sa sœur, et finir par l’outrager au point d’appeler du nom d’intrigue son intimité avec Anatole. Valentine avait supporté cette injure avec la résignation qui naît de l’innocence ; mais quand elle se vit en même temps accuser de tous les manéges de la coquetterie envers le comte d’Émerange, la fierté de son âme se révolta de cette insulte. Elle déclara qu’aucune considération ne pouvait l’engager à souffrir les expressions du mépris de personne, pas même de son frère ; et elle sortit en l’assurant que désormais il n’aurait plus l’occasion de la traiter avec tant d’injustice.

— Le voilà donc arrivé ce fatal moment que j’ai si souvent redouté ! s’écria Valentine, quand elle fut seule. Mon imprudence et la plus indigne calomnie m’enlèvent jusqu’à l’estime de mon frère, je ne puis plus habiter sa maison, sans trahir l’horreur que m’inspire tout ce qui s’y passe. Il faut m’en éloigner ; il faut quitter cette famille que j’avais regardée comme un asile protecteur, et emporter avec moi le mépris et la haine de deux êtres sur qui j’avais placé mon respect et ma tendresse !

En se livrant à ces tristes pensées, Valentine fondait en larmes. Mais son attendrissement, loin d’affaiblir sa résolution, redoublait le désir qu’elle avait de