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est tombé sur madame de Saverny, dont le rang et l’éducation sont dignes de la place que le roi veut bien destiner à ma femme. Et c’est plus encore par convenance que par inclination que je me décide à l’épouser.

— Je suis bien aise de voir tant de raison dans votre amour, reprit la comtesse, en s’apercevant aussi de la mauvaise foi du comte, il en sera moins surpris du sort qu’on lui réserve.

— Vous savez que sur ce point je suis très-philosophe.

— On l’est sans peine quand on se croit aimé.

— Je ne saurais me prévaloir de cet avantage, car votre belle-sœur ne m’a point fait d’aveu ; elle prétend au contraire avoir une raison de refuser ma main, qu’elle ne veut avouer à personne.

— La voulez-vous savoir ?

— Vous m’allez dire comme M. de Nangis, qu’elle a peur de ma légèreté.

— Non, elle vous rend trop de justice.

— Au fait, répliqua-t-il, en jetant un regard tendre sur la comtesse, elle ferait mieux peut-être de redouter ma constance.

— Non, monsieur, elle a, pour dédaigner votre amour, de meilleures raisons que toutes celles-là. Tenez et jugez-en vous-même.

En disant ces mots elle remet au comte la lettre suivante, et savoure le plaisir de la lui voir lire en tremblant de colère.