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On peut imaginer ce qui se passa dans l’âme de la comtesse, à chaque mot de ce discours. Plongée dans une espèce d’anéantissement, elle s’efforçait vainement de rompre le silence ; un poids énorme semblait oppresser sa poitrine ; et, lorsque par un mouvement courageux elle essayait de répondre à ces mots cruels qui déchiraient son cœur, sa voix expirait sur ses lèvres livides. Un état aussi violent devenait impossible à dissimuler ; et M. de Nangis allait peut-être découvrir le plus affreux secret, lorsqu’un domestique vint lui remettre un billet, qui demandait une prompte réponse. Le comte sortit alors en recommandant à sa femme de ne point oublier ce qu’il venait de lui dire, et tout ce qu’il attendait de sa complaisance.

Ô vous, que de funestes passions égareront peut-être un jour, que ne pouvez-vous contempler leur hideux effet sur le cœur et les traits de cette femme jeune et belle ! La pâleur de la mort couvre son visage ; son regard éteint ne se ranime que lorsqu’un projet de vengeance vient flatter son imagination. Cette bouche qu’embellissait l’expression d’une gaieté piquante, ne sourit plus qu’à l’idée de punir l’innocence du crime d’être aimée ; et cet esprit élégant et coquet, autrefois uniquement occupé du désir de plaire, ne l’est plus maintenant que du barbare soin de chercher les moyens les plus sûrs de perdre sa rivale : aucun ne lui paraît trop cruel ou trop bas. Enfin les sentiments affreux, que la vanité outragée