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— Voilà ce qu’il faut que vous deviniez, dit en rougissant Valentine.

— Mais si je la devine, vous n’en conviendrez pas ?

— Cela est vrai.

— Eh bien, tant mieux, j’en agirai plus librement. Jusqu’à présent le désir de vous plaire et la crainte de voir troubler votre repos par la colère d’une femme dont la vanité se blesse de toutes les préférences qui ne sont pas pour elle, m’ont fait supporter patiemment ses caprices. Me voilà enfin dispensé de jouer plus longtemps un rôle ridicule qui n’eût jamais été le mien, sans l’espérance de me voir récompensé de tant de sacrifices. Au fait, je ne suis pas tenu à plus d’égards qu’on n’en a pour moi ; et votre franchise me semble très-bonne à imiter. C’est bien assez d’avoir à souffrir de son amour, sans se laisser tourmenter par la folie d’une autre.

— Vous n’avez pas toujours pensé ainsi, et cette folie qui vous importune aujourd’hui vous plaisait autrefois ?

— Faites-moi un crime de votre ouvrage ! Pouvais-je deviner qu’il arriverait du fond de sa province une femme qui me tournerait la tête au point de ne plus voir qu’elle au monde ? Certainement j’aurais mieux fait de répondre aux sentiments qu’on voulait bien me témoigner, que de persister dans ceux qu’elle dédaignerait ; je ferais mieux encore d’oublier ma disgrâce en cherchant loin d’elle quelques consola-