Page:Nichault - Anatole.djvu/157

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’autre. Du reste, sérieux sans affectation, il répondait avec politesse à tous ceux qui se composaient le visage pour venir lui adresser des compliments de condoléance et des félicitations sur la perte et l’héritage qu’il venait de faire. Madame de Nangis, que ce genre de conversation ennuyait à périr, fit entendre aux personnes qui s’obstinaient à savoir les détails de la mort du défunt, que la sensibilité de M. d’Émerange en serait trop affectée, et les pria de parler d’autre chose. On lui obéit sans peine ; car au fond les plus curieux ne se souciaient pas beaucoup d’en apprendre davantage sur un événement qui leur était indifférent. Aussi fut-il bientôt oublié ; en moins d’un quart d’heure la gaieté redevint générale, et la sensibilité de M. d’Émerange ne s’en offensa point. Son naturel piquant et le penchant qui l’entraînait vers la plaisanterie se laissaient même entrevoir à travers le maintien grave que lui imposait la couleur sombre de son vêtement ; et comme on ne respecte guère dans le monde que le deuil qu’on porte sur la physionomie, une jeune femme, qui ne se souvenait plus de celui du comte d’Émerange, vint l’engager à chanter. Aussitôt chacun joignit ses instances à celles de l’aimable étourdie, et ce n’est qu’à l’air indigné qu’il prit pour refuser la proposition, qu’on s’en rappela toute l’inconvenance.

Cependant la soirée s’avançait, et M. d’Émerange n’avait pu trouver l’occasion de dire un mot en particulier à Valentine : il est vrai que, placée auprès